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Don Organes 3
Les organes ne demeurent viables et utilisables pour une greffe quun temps limité après le moment où ils cessent dêtre irrigués par le sang. Pour le rein, par exemple, la limite acceptable est denviron 45 mn à 37 0C, elle peut être portée à 24 heures et même à 48 heures si lorgane est conservé à 4 0C avec certaines précautions techniques particulières. La crainte quune attente prolongée après la mort ne détériore lorgane à greffer a conduit à considérer que les conditions les meilleures de prélèvement après la mort étaient les suivantes: certains malades ou accidentés ne sont maintenus en vie que grâce à des machines qui entretiennent artificiellement leurs mouvements respiratoires; ce procédé sauve aujourdhui dinnombrables vies humaines; mais il arrive quen dépit de tous les efforts le malade succombe malgré le respirateur artificiel; dans ces conditions si, après la mort, on continue à maintenir artificiellement pendant le temps voulu lactivité respiratoire et circulatoire du corps, lorgane prélevé naura pratiquement pas souffert du manque doxygène. Des précautions exceptionnelles sont prises, en pareil cas, pour contrôler sans ambiguïté possible la réalité de la mort avant dentreprendre les manœuvres de prélèvement. Ces précautions font, en France, lobjet dune codification qui donne au diagnostic de la mort une plus grande rigueur et un degré de certitude plus absolu que ce quon peut attendre des méthodes utilisées habituellement dans les autres cas.
Il est nécessaire de traiter le receveur dorgane par des médications capables de diminuer lintensité de ses réactions immunologiques contre lhomotransplant. Les médicaments "immunosuppresseurs " les plus couramment employés sont les suivants. Lazathioprine , spécialisée sous le nom d Imuran ou Imurel, est un corps de la série chimique des purines qui déprime électivement limmunité de greffe. Cependant, les réactions de défense contre dautres antigènes, en particulier contre les virus, se trouvent également affaiblies, si bien que le médicament peut favoriser certaines complications telles que lhépatite virale. Or, chez presque tous les receveurs de greffe, lazathioprine devra être absorbée indéfiniment si lon veut éviter tout rejet tardif. Malgré ces inconvénients, ce médicament est le plus sûr de tous les moyens actuels de protection de lorgane transplanté. Les dérivés de la cortisone, ou corticostéroïdes , notamment la Prednisone, sont moins des immunosuppresseurs vrais que des agents anti-inflammatoires. Si on les prescrit en cures très prolongées, on sefforce de nutiliser que des doses faibles, car ils peuvent entraîner diverses complications telles que des complications osseuses. Cependant, dans le traitement des "crises de rejet", on les emploie à fortes doses et ils sont le plus souvent remarquablement efficaces. Dautres immunosuppresseurs chimiques peuvent être utilisés. Parmi eux, la ciclosporine est un des plus puissants immunosuppresseurs connus en matière de rejet des allogreffes. Elle a sensiblement amélioré la proportion de succès dans les transplantations rénales, hépatiques et cardiaques. Elle nest malheureusement pas dépourvue de toxicité et peut entraîner des altérations hépatiques et rénales, une hypertension artérielle, des complications neurologiques, de lhirsutisme, de lhypertrophie des gencives, un "syndrome de fuite capillaire" avec dème suraigu du poumon, enfin des lymphomes. Cette dernière affection maligne du système lymphatique est probablement favorisée par tous les immunosuppresseurs, quels quils soient, dans une proportion de 1 à 1,5 p. 100; mais, avec la ciclosporine, on peut les voir apparaître dès la première année du traitement. Le sérum antilymphocyte , préparé par immunisation de chevaux, de chèvres ou de lapins contre des lymphocytes dhommes, est doué dun remarquable pouvoir favorisant la survie des greffes expérimentales, mais son emploi dans la transplantation dorganes humains ne sest montré très efficace que depuis le moment où lon a disposé danticorps monoclonaux , cest-à-dire purs et homogènes. Avec les sérums antilymphocytes impurs, on est vite arrêté par une immunisation du malade contre les protéines du sérum de lanimal qui a servi à le préparer, et cette immunisation annule aussitôt lefficacité du produit. Cette immunisation peut être retardée avec les anticorps monoclonaux et, grâce à eux, on parvient à éviter tout rejet en nutilisant que de lazathioprine et des doses extrêmement faibles de corticostéroïdes. Aucun de ces produits nest parfait. Tous ont leurs inconvénients. Lidéal serait de créer une fois pour toutes un état dacceptation spécifique du greffon par le receveur, sans quaucune autre réaction de défense ne se trouve affaiblie. Cest chose possible dans certains modèles expérimentaux, par exemple dans la greffe de rein chez le rat, grâce à des procédés qui dépriment électivement la réaction contre les antigènes du transplant, et seulement contre ceux-là (phénomène de tolérance ). Mais lapplication à lhomme de pareilles méthodes se heurte à de très grandes difficultés qui ne permettent pas lemploi de ces techniques dans la pratique médicale courante.
En mai 1993, la statistique mondiale de transplantation dorganes peut se résumer comme suit: Transplantations de rein. Sur les quelque 290 000 transplantations rénales pratiquées à cette date, la proportion de succès est de lordre de 80 p. 100 des cas, à deux ou trois ans. La plus ancienne transplantation réussie se maintient maintenant sans rejet. La réussite des transplantations varie quelque peu selon les équipes. Elle atteint au moins 95 p. 100 de succès lorsque le donneur est un frère ou une sœur jumeaux ou ayant les mêmes antigènes HLA que le receveur. Lorsque les antigènes HLA sont différents chez le donneur et le receveur, la proportion de succès avec un donneur vivant apparenté nest guère supérieure à celle qui est obtenue avec un rein prélevé sur un cadavre non apparenté, si bien que nombre déquipes ont abandonné le recours à des donneurs vivants, sauf le cas de sujets HLA identiques. Transplantations de cœur. 600 transplantations cardiaques environ ont été réalisées aujourdhui. Dans les meilleures équipes, la proportion de succès est de 80 p. 100 des cas au bout de quatre ans. Transplantations de foie. Plus de 26 000 transplantations de foie ont été effectuées. Le pourcentage global de survie après deux ans est de 75 p. 100. Transplantations de poumon. Après plusieurs tentatives qui sétaient soldées par un échec, la première greffe de deux poumons a eu lieu à Toronto en 1986. Dans le monde, il y en a environ 1 800. Les doubles transplantations coeur-poumon ont une survie de 60 p.100 à 2 ans. Transplantations de pancréas. Environ 1 400 transplantations de pancréas ont été réalisées, et parfois de rein-pancréas, notamment dans lespoir de guérir certains diabètes graves. Mais le pourcentage de succès est encore faible.
Le receveur Le receveur doit donner son consentement à lopération, et lon peut très bien admettre quun patient refuse la greffe en toute lucidité, sans quon soit en droit pour autant de considérer cette décision comme une forme de suicide. En pratique, un refus définitif du receveur est exceptionnel tant est grande la volonté de survie de limmense majorité des patients. Par contre, certains malades sont dabord hésitants, soit quils craignent de faire courir des risques à un membre de leur famille qui sest proposé comme donneur, soit que lannonce de la greffe leur fasse prendre conscience pour la première fois de la gravité de leur maladie et les plonge dans une anxiété qui rend toute décision momentanément impossible. Ces malades doivent être éclairés peu à peu sur les bénéfices et les risques de lentreprise, et il faut leur laisser le temps de mûrir leur décision. Les donneurs vivants La greffe de moelle osseuse suppose un prélèvement de moelle chez un ou plusieurs donneurs vivants généralement apparentés. Mais la moelle osseuse est, comme le sang, un "tissu" qui régénère spontanément. Il ny a donc pas de mutilation du donneur, et le seul risque quil court est celui dune brève anesthésie générale. Il existe donc peu de problèmes éthiques dans ce cas particulier. En ce qui concerne les organes, le seul que lon puisse prélever chez un donneur vivant est le rein , car lablation dun seul rein ne compromet pas sérieusement lavenir du sujet, le rein controlatéral augmentant ensuite de volume et fonctionnant aussi bien que deux reins normaux. Mais le risque pour le donneur nest pas absolument négligeable (cf. supra , Le choix du donneur ). Il reste néanmoins notablement inférieur à celui de beaucoup dinterventions chirurgicales, mais la situation en matière de greffe est particulière, car lintervention ne profite quau receveur. Or léthique médicale traditionnelle de même que la loi considèrent quune opération nest acceptable que si elle est faite pour le bien de celui qui la subit . Pour justifier le prélèvement chez un donneur vivant, il faut sortir des normes médicales et invoquer le principe moral selon lequel un individu peut venir au secours dun de ses semblables en danger, fût-ce au péril de sa propre vie. Il reste à savoir si le médecin peut accepter dêtre le complice de ce don si une famille le lui demande. Nous pensons quon peut répondre par laffirmative sous des conditions très précises qui obligent à discuter chaque cas individuel. Les éléments de cette discussion sont au nombre de trois: risques encourus par le donneur, probabilité du succès de la greffe, qualité du volontariat du donneur. Risques encourus par le donneur . Le risque moyen a été indiqué plus haut. Mais parfois on peut prévoir un risque plus important, du fait de lâge, dun état pathologique antérieur ou de conditions anatomiques particulières; il faut récuser de tels donneurs. Probabilité du succès de la greffe . Les progrès dans la détermination des groupes leucocytaires commencent à permettre dans certains cas des prévisions sur le plan individuel pour les greffes entre sujets apparentés. Ainsi la probabilité de succès est presque de 100 p. 100 dans certaines greffes à lintérieur dune même fratrie (donneur HLA identique), mais reste notablement inférieure dans dautres combinaisons. On a maintenant tendance à récuser les donneurs vivants quand la compatibilité est moyenne ou médiocre. De même, on hésitera beaucoup à accepter un don dorganes venant dun donneur vivant non apparenté même si des liens affectifs puissants (époux, amis) pouvaient rendre un tel don moralement justifiable. Volontariat du donneur . Le donneur doit être clairement averti des risques personnels quil court et de linsuccès toujours possible de la greffe. Sil persiste dans sa décision, il faut apprécier la qualité de son volontariat et sassurer notamment que le donneur na pas été soumis à des pressions familiales. Il faut également vérifier, au besoin en prenant lavis dun psychiatre, que le donneur est suffisamment équilibré pour être capable dune décision réfléchie et vraiment libre; le consentement est donné par écrit, en présence dun témoin. Dans ce même esprit, on refusera comme donneurs les débiles mentaux, les prisonniers et les enfants. Dans les cas douteux, la meilleure façon déviter les erreurs est de revoir les familles à plusieurs reprises, daccorder à tous un temps de réflexion suffisant et dinformer le donneur quil peut sans crainte se rétracter à tout moment, car léquipe de transplantation prendra alors ce refus à son compte en alléguant une raison technique.
Le prélèvement dun organe sur un cadavre ne paraît pas poser en lui-même de problème éthique difficile. Le cadavre mérite, certes, le respect de tous, mais prélever sur un cadavre un organe susceptible de sauver un vivant nest-il pas, comme on la soutenu, "une véritable manière dhonorer le corps en reconnaissant toute sa dignité humaine"? Les deux points qui ont soulevé le plus de discussions concernent la définition de la mort et le consentement au prélèvement. Larrêt de la circulation sanguine et de la respiration sert de base à la définition de la mort dans la plupart des pays. Toutefois, les sujets maintenus en survie artificielle à la suite de traumatismes ou daccidents cérébraux grâce aux méthodes de réanimation évoluent dans certains cas vers un état de "coma dépassé", état caractérisé par une disparition définitive de toute activité cérébrale, malgré la persistance pendant un certain temps de la circulation sanguine et des battements cardiaques. Bien que ces sujets ne répondent pas aux critères traditionnels de la mort, ils sont en fait des morts en survie artificielle puisque leur cerveau est irrémédiablement détruit. Sil en est bien ainsi, il paraît légitime de déclarer le patient mort et de procéder éventuellement au prélèvement dun ou de plusieurs organes (reins, foie, cœur). Ce problème a déjà été longuement débattu et il nexiste pas de réserves explicites des autorités morales et religieuses pour considérer comme réellement mort un sujet en état de coma dépassé. Beaucoup de médecins ont craint cependant quon soit tenté dinterrompre prématurément chez certains malades les efforts thérapeutiques et de prélever des organes sur des sujets inconscients et moribonds, mais non en état de mort cérébrale au sens exact de ce terme. En fait, ces craintes sont sans objet si lon sastreint à des règles strictes. En France, ces règles ont été codifiées par la loi du 22 novembre 1976, dite "loi Caillavet", et le décret dapplication du 31 mars 1978. Le prélèvement dorgane après la mort doit être réalisé dans un délai très court, dans un établissement qui a été spécialement autorisé à cette fin par arrêté, si lon veut assurer au greffon la reprise dune fonction correcte. Qui peut autoriser ce prélèvement? Comment concilier le respect du mort et de son entourage familial et la possibilité de sauver une vie par le biais de la transplantation? La loi Caillavet a tenu compte de ces différents impératifs: la famille du futur donneur na plus à donner ou à refuser lautorisation du prélèvement. Seule compte lopinion de lindividu décédé telle quil avait pu la faire connaître de son vivant. La législation impose donc quun certain laps de temps soit laissé entre la constatation de la mort et le prélèvement afin que puissent être recueillis, par ladministration, déventuels témoignages des personnes qui pourraient être au courant de la volonté du sujet décédé de sopposer à un prélèvement. Les témoignages seront consignés dans un registre spécial. Néanmoins, en fonction de lurgence, le prélèvement peut être effectué rapidement après la déclaration de la mort si le registre de lhôpital ne porte aucune mention sy opposant. Le seul cas où lautorisation du représentant légal est indispensable est celui du mineur. Dans certaines situations médico-légales (suicide, accident de travail...), laccord du procureur de la République est nécessaire. Par ailleurs, pour éviter quune équipe médicale soit "juge et partie", le constat de reconnaissance de mort cérébrale doit être effectué par une équipe médicale différente de léquipe de transplantation. Des dispositions analogues existent dans dautres pays européens. Toutefois, aussi bien en France que dans la plupart des pays étrangers, beaucoup de médecins nutilisent pas toutes les libertés réglementaires auxquelles ils ont droit et demandent toujours laccord de la famille. Cette attitude conduit sans aucun doute à des situations pénibles, car il faut demander une décision urgente et délicate à une famille désemparée. Néanmoins, elle est considérée encore par beaucoup comme une attitude plus franche et plus prudente. À linverse, elle limite le nombre de prélèvements qui, on nous lavait déjà dit, est déjà malheureusement très insuffisant. Dans dautres pays, notamment en Angleterre et aux États-Unis, lautorisation de la famille est légalement indispensable, sauf si le sujet a pris de son vivant des dispositions pour autoriser le prélèvement de certains de ses organes après la mort. Cette autorisation est stipulée sur un modèle uniforme de carte que le sujet porte sur lui. FIN
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